L’engagement législatif sur la réduction du nucléaire ? Le gouvernement s’assoit dessus

13 juillet 2016 / Barnabé Binctin (Reporterre)

Essentiel pour la mise en œuvre de la loi sur la transition énergétique, le projet de programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a été révélé le 1er juillet. Il ne planifie pas le passage de la part nucléaire de 75 % à 50 % qu’a décidé la loi sur la transition énergétique.

Le Conseil national de la transition énergétique doit étudier mercredi 13 juillet le document de la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie). Celui-ci a été publié au 1er juillet, comme François Hollande l’avait promis lors de la dernière conférence environnementale. Mais l’analyse du document de 300 pages montre que les engagements issus de la loi de transition énergétique (LTE) sont restés au placard (voir la synthèse du document).

« Le projet de PPE ne respecte pas les objectifs fixés par la loi sur la transition énergétique. Incohérent et imprécis dans l’évolution à venir du parc nucléaire, insuffisant sur la levée des barrières réglementaires et administratives qui pénalisent les renouvelables, muet sur le financement des transports en communs et des infrastructures pour le vélo, sans réel changement de cap sur la rénovation du bâtiment », critique Anne Bringault, du Réseau pour la transition énergétique. « La transition énergétique s’est arrêtée à la loi », regrette Cyrille Cormier, chargé de campagne Énergie à Greenpeace.

Publié vendredi 1er juillet au soir sur le site du ministère de l’Environnement, le texte est le document essentiel dans la mise en route des trajectoires fixées par la loi, « le cœur même de la loi de transition énergétique », nous expliquait Maryse Arditi en avril dernier. Cette PPE prévoit de ne courir que jusqu’en 2023 avec une première période réduite à 3 ans (2016-2018). Mais le document n’offre pas les garanties attendues, et sur le nucléaire, les comptes n’y sont pas.

Un tiers des réacteurs pour un tiers de réduction de la part dans le mix électrique

La LTE prévoyait une réduction de 75 à 50 % de la part de l’atome dans la production d’électricité d’ici à 2025. A production constante, cela signifie la fermeture d’une vingtaine des 58 réacteurs que compte le parc nucléaire français. Un tiers des réacteurs pour un tiers de réduction de la part dans le mix électrique, en somme. En début d’année, la Cour des comptes avait affiché une fourchette de 17 à 20 réacteurs, tandis que Greenpeace évoque 27 à 31 unités à arrêter d’ici 2025.

Or, la PPE actuelle ne communique pas de fourchette du nombre de réacteurs à fermer, comme la ministre, Ségolène Royal, s’y était engagée. Elle prévoit « la réduction de la production annuelle d’origine nucléaire réalisée en 2023 […] entre 10 TWh et 65 TWh » (terawatt-heures).

Sortons les machines à calculer. La production d’électricité d’origine nucléaire en 2015 ayant été de 417 TWh, si l’on prend le niveau maximum de réduction envisagé — 65 TWh —, la production nucléaire doit descendre à 352 TWh à l’horizon 2025. Ces 350 TWh représenteraient alors 50 % de l’électricité totale produite, selon ce qu’a décidé la loi de transition énergétique. Cela signifie un volume global de production totale d’électricité de 704 TWh (il y a d’autres sources que le nucléaire : les renouvelables et le gaz). Problème, la production annuelle totale en France en 2015 était de… 546 TWh. Il faudrait donc que la production totale augmente de 29 % d’ici 2025 pour que les engagements soient respectés.

Absence de consultation du Parlement

Ce scénario envisagerait donc l’augmentation sensible de la consommation intérieure, à moins que ce ne soit le volume d’exportation ? « Dans le projet présenté, il n’y a aucune donnée fiable sur l’évolution de la consommation intérieure, et la part des exportations est artificiellement gonflée analyse Cyrille Cormier. C’est la réduction envisagée qui est insuffisante. »

Selon les calculs de Greenpeace, le scénario actuel de la PPE situerait la part du nucléaire entre 65 et 75 % en 2023, avec la fermeture de 2 à 12 réacteurs — voire moins si l’on en croit Ségolène Royal, qui évoquait, la semaine dernière, le non-redémarrage de deux à six réacteurs. Très loin des objectifs de la loi votée il y a un an, le 23 juillet 2015. « Pourtant, depuis, il y a eu la faillite d’Areva, les incidents à Paluel, la généralisation des défauts sur les générateurs de vapeur… autant d’éléments qui invitent à ne pas prendre le nucléaire à la légère », dit l’ONG, qui a publié un schéma en contrepoint :

L’infographie de Greenpeace sur la réduction de la part du nucléaire.

Quoi qu’il en soit, la PPE va être soumise pour consultation au Cese (Conseil économique, social et environnemental) puis au Conseil supérieur de l’énergie, avant d’être présentée à l’avis du public en octobre, la signature du décret gouvernemental étant attendue en novembre. On peut s’étonner de l’absence de consultation du Parlement, lui qui avait longuement bataillé pour maintenir l’objectif de réduction du nucléaire à 2025… « Le législateur n’a donc même pas un droit de regard sur ce qu’il a contribué à voter », souligne Cyrille Cormier.

Aujourd’hui, c’est le CNTE (Conseil national du débat sur la transition énergétique) qui l’examine. Huit associations regroupées en collectif ont fait parvenir une contribution de six pages dans laquelle elles appellent à retravailler plusieurs points.

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