Orano : publicités mensongères

François Vallet et un enseignant-chercheur avaient lancé l’alerte dès le 19 novembre puis le réseau SDN et Greenpeace leur avaient emboîté le pas à la mi-décembre. Ils avaient déposés plainte en fin d’année 2019 contre  des publicités d’ORANO qu’ils jugeaient mensongères, biaisées et inacceptables. Le  Jury de déontologie de la publicité vient de  leur donner raison. L’avis est publié sur le site depuis le 4 mai .

https://www.jdp-pub.org/avis/orano-presse-internet-plaintes-fondees/

Voici des extraits de la décision

“Le Jury estime, tout d’abord, que la formule « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète » qui ne contient aucune nuance, revient à énoncer que l’activité nucléaire ne réchauffe aucunement la planète. Or le Jury relève, en se fondant sur l’ensemble des éléments produits aux débats, que la production d’énergie nucléaire implique indirectement mais nécessairement des dégagements gazeux, en particulier dans la phase amont du cycle de production. Les éléments accompagnant la publicité sur le site de la société Orano, notamment la phrase « C’est bien de la vapeur d’eau qui sort des tours de refroidissement de nos centrales ! », ne contredisent pas ce point.”…..

Le Jury constate par ailleurs qu’un encadré indique que « 96% du combustible nucléaire usé est recyclable », accompagné de l’image de trois conteneurs à recyclage intitulés « combustible nucléaire », « verre » et « plastique ». Il estime que cette partie de la publicité opère une comparaison suggérant que le recyclage des déchets résultant de la production d’énergie nucléaire est aussi aisé et répandu que celui des déchets plastiques ou de verre.

Le Jury considère qu’une telle comparaison crée une ambiguïté au regard de la réalité du recyclage effectif du combustible nucléaire qui ne porte que sur environ 1% des combustibles nucléaires usés et demande une technologie complexe.

Le Jury estime que la publicité est, à cet égard, trompeuse et de nature à induire le public en erreur sur la réalité des actions de l’annonceur en matière de développement durable.

Voici le communiqué de François Vallet

COMMUNIQUÉ : MA PLAINTE DU 19/11/2019 CONTRE UNE PUBLICITÉ D’ORANO

En novembre 2019, la société Orano (ex Areva) publiait dans le magazine Femina, diffusé par plusieurs titres de la presse quotidienne régionale, une publicité dont le message, l’objectif et le public visé posent question. Sur cette publicité, au- dessus du dessin de deux tours de refroidissement de centrale électrique, et dans le panache de vapeur d’eau qu’elles génèrent, on peut lire le texte suivant écrit en très gros et très gras : « nucléaire : eh non, on ne réchauffe pas la planète.».

Sous le dessin est écrit en plus petit : « La preuve: selon les chiffres du GIEC, le nucléaire émet 40 fois moins deCO2 que le gaz. »

Enfin tout en bas de la page publicitaire, en tout petit, apparaît le message suivant : « Et si on voyait le
nucléaire autrement ? » avec une invitation à consulter le site internet «orano.group/ideesrecues» suivi des signes cabalistiques caractéristiques de divers réseaux sociaux. Cette publicité est signée Orano avec la mention « Donnons toute sa valeur au nucléaire ».

Connaissant les activités et les « exploits » d’Areva, sauvée de la faillite par 4,5 milliards d’argent public (nos impôts !), j’ai décidé d’attaquer cette publicité d’Orano, entreprise qui a pris la succession d’Areva pour une partie de ses activités. Il est en effet insupportable que cette entreprise, de droit privé mais à capitaux très majoritairement publics, gaspille l’argent des contribuables pour tromper un public auquel l’industrie nucléaire est imposée sans discussion possible.

Comme il existe un Jury de déontologie publicitaire, que tout un chacun peut saisir lorsqu’une publicité
semble « douteuse », j’ai adressé ma plainte à cette instance le 19 novembre 2019. Elle a été jugée recevable et a été examinée par le Jury, après deux reports successifs, le vendredi 6 mars 2020.

Les motifs de ma plainte sont simples : cette publicité est mensongère, biaisée et inacceptable.

Elle est mensongère car le nucléaire, avec les réactions de fission atomique, réchauffe bien la planète par des rejets massifs de chaleur dans l’environnement. Deux tiers de l’énergie dégagée lors de la fission dans les réacteurs nucléaires est directement rejetée dans l’environnement (dans l’air et dans l’eau de refroidissement des réacteurs) et le tiers restant s’y retrouve irrémédiablement, selon le principe de conservation et de dégradation de l’énergie en chaleur. En France les rejets directs de chaleur dans l’environnement des réacteurs nucléaires correspondaient en 2017 à 3,5 fois la consommation d’énergie pour le chauffage et l’eau chaude sanitaire de la totalité du parc de logements français, selon les données publiées par les ministères de la transition écologique et solidaire et de la cohésion
des territoires. La prétendue preuve, selon laquelle le nucléaire émettrait 40 fois moins de CO2 que le gaz, n’en est absolument pas une.

-D’une part les réacteurs nucléaires dégagent de la chaleur de manière directe et massive dans
l’environnement, on vient de le voir.
-D’autre part Orano, en faisant une comparaison entre nucléaire et gaz, démontre en fait que le nucléaire réchauffe bien la planète, du fait de ses émissions de CO2 fussent-elles moindres que celles du gaz. L’assertion de moindre émission n’est d’ailleurs pas démontrée dans la publicité et la valeur indiquée n’est pas une publication du GIEC mais un calcul fait par Orano à partir de valeurs publiées par l’organisation intergouvernementale. Les bases de la comparaison n’étant pas explicitement indiquées et celle-ci ne portant que sur les émissions de CO2, cette publicité est biaisée. C’est une violation manifeste des règles de déontologie pour une publicité comparative inscrite dans le champ du développement durable.

Cette publicité est inacceptable car l’allégation, mensongère, biaisée et à caractère écologique, de l’absence “de réchauffement de la planète”, masque les atteintes portées par Orano aux trois piliers du
développement durable : l’environnement, le social/sociétal et l’économie.

C’est une manipulation destinée à tromper le public sur la réalité des activités de l’entreprise Orano et plus généralement de l’industrie du nucléaire. Celle-ci a fait la preuve à l’échelle planétaire de son incapacité à garantir un fonctionnement propre, sûr et sans danger(1), et à assurer une fourniture d’énergie significative(2) et à un coût compétitif(3).

Les processus de fabrication, les produits fabriqués par Orano et ses prédécesseurs, Cogema et Areva, et les produits connexes, ont déjà causé de graves dommages en France et dans de nombreuses régions du monde :
-pollutions par les mines d’uranium et leurs résidus radioactifs et chimiques, pollutions chroniques par l’usine de conversion d’uranium de Malvesi à Narbonne et par l’usine de « retraitement » de La Hague, prolifération nucléaire intrinsèquement liée à l’usine d’enrichissement d’uranium de Pierrelatte (Triscastin), contamination au plutonium présent dans les «combustibles MOX» des réacteurs de Fukushima et aussi retombées radioactives des essais atomiques atmosphériques et souterrains, contaminations par les armes à uranium appauvri, production de déchets radioactifs ingérables, etc.

Il est évident que les lectrices et les lecteurs de la presse quotidienne régionale, et du magazine Femina
diffusé avec ses journaux, ne sont pas « acheteurs » de nucléaire. Ce sont par contre des électeurs et
contribuables potentiels qui pourraient s’opposer à de prochaines décisions favorables au nucléaire. Et il y en a de nombreuses dans les tuyaux : poursuite de l’exploitation au-delà de 40 ans des réacteurs nucléaires existants, construction de l’installation Cigéo d’enfouissement de déchets nucléaires, construction de nouveaux réacteurs EPR, construction d’une méga piscine de stockage de « combustibles usés », développement du véhicule électrique à coup de subventions publiques massives et réglementation énergétique des bâtiments permettant de relancer les consommations d’électricité pour financer le nucléaire, recours aux financements « verts » et autres « obligations d’achat » pour atténuer les coûts intrinsèques élevés de la production d’électricité nucléaire, etc.

Dès lors on comprend mieux l’objectif de la publicité d’Orano, en réalité de la propagande d’une industrie aux abois qui n’arrive plus à persuader grand monde de ses « bienfaits ». Il s’agit de convaincre les Français de continuer à accepter sans broncher tous les méfaits du nucléaire au prétexte que ce serait une énergie qui « ne réchauffe pas la planète ».

Mais le jury de déontologie publicitaire ne s’est pas laissé tromper par les arguments d’Orano. Il vient de
publier son avis sur cette publicité suite aux trois plaintes reçues (par ordre chronologique), la mienne, celle d’un enseignant-chercheur observateur attentif des pratiques publicitaires et celle du Réseau Sortir du Nucléaire. Le Jury est d’avis que la campagne de publicité en cause méconnaît plusieurs points de la
Recommandation « Développement durable » de l’ARPP et de l’article D1 du code ICC. Il est consultable en ligne par le lien suivant : https://www.jdp-pub.org/avis/orano-presse-internet-plaintes-fondees/

François VALLET – Ingénieur – Citoyen indépendant de toute entreprise qui pourrait être en concurrence avec Orano ou avec d’autres entreprises du nucléaire

(1) Des études indépendantes de l’industrie nucléaire estiment ses conséquences sanitaires, jusqu’en 1989, à une soixantaine de millions de morts prématurées et à plus de cent vingt millions de cancers radio-induits, sans parler des autres maladies. Lire à ce sujet l’article en ligne d’Actu Environnement : « Lacunes persistantes du régime de radioprotection mondial » du 25 avril 2012.

https://www.actu-environnement.com/ae/news/lacune-radioprotection-mondial-radioactivite-cipr-ceri-15540.php4
(2) En 2018, le nucléaire a fourni environ 2% de la consommation mondiale d’énergie finale. En France cette proportion est
de l’ordre de 19%. Pour une technologie dont le développement remonte à 70 ans c’est dérisoire. Et ce n’est pas à ce
rythme que l’industrie nucléaire pourrait faire face à « l’urgence climatique » à laquelle elle prétend répondre.
https://www.worldnuclearreport.org/WNISR2019-Presentation-a-Paris.html
(3) Selon plusieurs études indépendantes menées au niveau international, hors coûts des accidents nucléaires, de la gestion à long terme des déchets radioactifs et du démantèlement des installations en fin de vie, le nucléaire est déjà la plus
coûteuse de toutes les énergies pour la production d’électricité.
Etude de l’institut allemand DIW « High-priced and dangerous: nuclear power is not an option for the climate-friendly
energy mix » https://www.diw.de/documents/publikationen/73/diw_01.c.670578.de/dwr-19-30.pdf
Etude de l’institut allemand DIW « Economics of Nuclear Power Plant Investment – Monte Carlo Simulations of
Generation III/III+ Investment Projects » https://www.diw.de/documents/publikationen/73/diw_01.c.698579.de/dp1833.pdf
Etude de la banque Lazard « Levelized Cost of Energy and Levelized Cost of Storage 2019 » https://www.lazard.com/perspective/lcoe2019

Voici aussi l’article du Réseau https://www.sortirdunucleaire.org/Orano-publicites-mensongeres

et le communiqué https://www.sortirdunucleaire.org/Dechets-recycles-nucleaire-vertueux-pour-le

En 2009, une brochure du Réseau Sortir du nucléaire intitulée “Peut-on recycler les déchets nucléaires” décortiquait le mensonge  https://www.sortirdunucleaire.org/Peut-on-recycler-les-dechets

Réaction d’Orano

Ouest France et Le Figaro, associés à l’AFP, ont publié de leur côté en début de semaine le même article avec les commentaires d’Orano sur cette affaire. Orano accuse le Jury de déontologie de partialité :

https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/nucleaire-des-publicites-d-orano-epinglees-par-une-autorite-de-deontologie-6824966

https://www.lefigaro.fr/flash-eco/nucleaire-des-publicites-d-orano-epinglees-par-une-autorite-de-deontologie-20200504

Extrait de l’article :

«Toutes les publicités sur le nucléaire sont systématiquement recalées», a remarqué Orano ce lundi soir, mettant en cause l’impartialité du jury. «Nous allons continuer car au-delà de la crise actuelle du Covid-19, la crise climatique reste d’actualité et le nucléaire fera partie des solutions qui seront indispensables pour lutter pour le climat», a ajouté l’entreprise dans un courriel à l’AFP. «Les opposants au nucléaire réfutent toute information qui ne va pas dans leur sens», a-t-elle regretté, jugeant que «cette posture idéologique n’est pas à la hauteur de la problématique du dérèglement climatique qui reste l’enjeu environnemental numéro un».

A nouveau Orano ment en indiquant que toutes les publicités sur le nucléaire sont systématiquement recalées. La preuve est là : https://www.sortirdunucleaire.org/Non-a-la-propagande-d-AREVA

Dès décembre 2019, le mensuel Charlie Hebdo avait rédigé un article très critique sur les pubs d’Orano, ex-AREVA intitulé “Avec Orano, tout est beau !!”

https://charliehebdo.fr/2019/12/a-bas-la-pub/nucleaire-orano-recyclage-publicte-communication/