Lettre au président : L’EPR, un chantier désastreux à tout point de vue

Lors de la manifestation STOP EPR à St-Lô le 30 septembre 2017 qui a rassemblé près de 2000 personnes, voici la lettre qui a été remise en préfecture pour qu’elle soit transmise au président et ses ministres. Elle a été ensuite lue aux manifestants (voir vidéo)

St-Lô le 30 septembre 2017

10 rte d’Etang Val-50340 LES PIEUX

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Didier Anger 06 80 23 39 45

Chantal Cuisnier 06 84 14 58 87

Martial Château 06 45 30 74 66 

Sylvie Sauvage 06 08 71 79 61

à

Mr Emmanuel MACRON, président de la république française,

Mr Edouard PHILIPPE, premier ministre

Mr Nicolas HULOT, ministre de la transition écologique et solidaire

Mme Agnès BUZYN, ministre de la santé et des solidarités 

s/c Mr Jean-Marc SABATHE, préfet de la Manche à St-Lô

Le chantier de l’EPR de Flamanville est désastreux tant du point de vue démocratique et moral, qu’industriel, financier et commercial mais aussi écologique.

Désastreux du point de vue démocratique

Dès 2005, la Commission Particulière du Débat Public s’interrogeait sur la pertinence de poursuivre le débat public sur la construction de l’EPR de Flamanville puisque le Sénat avait déjà annoncé cette décision avant toute concertation. Puis, le cahier d’acteur du Réseau Sortir du Nucléaire a été censuré car il révélait que le futur réacteur n’était pas en mesure de résister au crash d’un avion de ligne. Il est maintenant connu que l’Autorité de Sûreté Nucléaire savait que l’usine du Creusot n’était pas en mesure de fabriquer la cuve du réacteur dont la fabrication avait été lancée dès 2004. Ces informations, dissimulées,ont faussé le débat public et rendent le décret de création de l’EPR de Flamanville caduque. Dans ces conditions, sachant la cuve de l’EPR non conforme, il est irresponsable que vos prédécesseurs Mrs Hollande, Cazeneuve et Mme Royal aient prolongé ce décret de 3 ans en mars 2017.

Il n’a pas été tenu compte pendant toutes ces années de la forte opposition manifestée par la population à ce projet, successivement à Cherbourg en avril 2006 (plus de 25000 personnes) puis à Rennes en mars 2007(plus de 40000 personnes).

Désastreux du point de vue moral 

L’Autorité de Sûreté Nucléaire a été incapable de s’assurer que la cuve respectait la réglementation avant qu’elle ne soit scellée en janvier 2013 dans le bâtiment réacteur d’où elle ne peut être extraite. A l’usine de Creusot Forge vient d’être mis à jour un système de malfaçons et de falsifications à grande échelle sur des pièces équipant les 58 réacteurs en exploitation. Pour couvrir ces malfaçons, un décret autorisant les fabricants d’équipement sous pression à déroger à leurs obligations de sécurité, réglementaires et légales a été publié le 3 janvier 2016. L’émission « Secrets d’info »sur France Inter en avril 2017 révélait des transactions s’apparentant à des rétrocommissions entre AREVA et Mr Bolloré avec l’achat et la revente de cette usine générant un bénéfice anormal d’une centaine de millions d’euros.

Il s’agit là d’une faillite morale grave de l’industrie nucléaire française et de son système de contrôle. Devant cette situation désastreuse, plusieurs associations de défense de l’environnement, représentant la société civile, ont alors saisi la justice au plan financier, pénal, législatif, européen.

Désastreux du point de vue industriel

D’ innombrables déboires techniques ont émaillé le chantier de Flamanville comme celui de la Finlande à Olkiluoto sur lesquels nous ne reviendront pas. Ils explosent, pour les deux, les délais de construction et les coûts.

Mais le fait le plus grave n’a été révélé par le constructeur AREVA qu’en 2015 après le scellement de la cuve dans le bâtiment-réacteur . En raison des anomalies de concentration du carbone dans l’acier la composant, la rupture de la cuve ne peut être exclue en cas de choc thermique et peut donc entraîner une catastrophe du niveau de gravité de Fukushima ou de Tchernobyl. C’est ce qu’ explique Gérard Gary, physicien nucléaire, qui a travaillé au laboratoire de mécanique des solides de l’Ecole Polytechnique dans sa note de septembre 2015 à l’ Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) : «une des pires situations serait celle qui conduirait à une rupture brutale de la cuve. Il s’en suivrait une perte de l’eau du circuit primaire entraînant une fusion du cœur et donc un accident majeur. La réglementation impose des normes telles que cet événement n’a pas à être considéré et nous verrons que ces normes ne sont pas respectées en l’état pour Flamanville 3».

La Commission de Recherche et d’Information Indépendante sur la Radioactivité (CRIIRAD) met en garde dans sa note du 5 septembre 2017 envoyée à l’Autorité de Sûreté Nucléaire : « Autoriser la mise en service d’une cuve dont deux composantes critiques ne respectent pas les exigences essentielles de sûreté serait irresponsable ».

Mr Nicolas Hulot, aujourd’hui ministre dans votre gouvernement s’exprimait ainsi dans le journal du Dimanche, le 12 novembre 2011, l’année où débuta la catastrophe de Fukushima : « le propre d’un accident nucléaire, c’est d’être inestimable dans le temps et l’espace. Et là s’arrête le risque acceptable dès lors que l’on ne maîtrise ni ne mesure ses conséquences ». Il considérait alors que « la sortie du nucléaire est un objectif moral incontournable ».

Désastreux du point de vue financier et commercial

Le coût de ce chantier a déjà triplé pour dépasser les 10 milliards d’euros. Le contribuable français doit déjà payer les surcoûts du chantier finlandais. En juillet dernier, devant les sénateurs, Bruno Le Maire, votre ministre de l’économie et des finances, s’est emporté en constatant que le déficit du budget de la France en 2016 était l’équivalent de la recapitalisation d’EDF et d’AREVA. Quels montants compensatoires seront-ils accordés à l’électricien chinois CGNPC qui a mis en chantier deux EPR dont les cuves ont les mêmes anomalies que celles de Flamanville ? L’endettement d’EDF et l’engagement de celle-ci dans le projet de 2 EPR à Hinkley Point qu’elle s’est vendue à elle-même puisqu’elle a racheté la filiale anglaise British Energy représentent à terme un danger pour les finances d’EDF et de notre pays. Le directeur financier d’EDF, Mr Thomas Piquemal a démissionné en 2016, ainsi qu’un membre du Conseil d’administration d’EDF, ne voulant pas cautionner un tel risque. Ce projet ainsi que le rachat de la branche réacteurs d’AREVA a été conditionné à la mise en service de l’EPR de Flamanville.

Aussi la poursuite du chantier se fait-elle à n’importe quel prix, même celui d’entraîner une catastrophe nucléaire, de contaminer des régions entières, de ruiner le potentiel agricole et touristique de la France et de bouleverser la vie de millions de personnes.

Le rafistolage dit «grand carénage» des réacteurs a été estimé à 100 milliards d’euros ce qui condamne d’avance une transition énergétique avec les renouvelables. Concernant les déchets nucléaires le projet CIGEO à Bure se chiffre à plus de 35 milliards d’euros. Quant au démantèlement, les provisions sont mal estimées et insuffisantes d’après la Cour des Comptes.

L’EPR de Flamanville n’est construit que dans un seul but : être une vitrine commerciale ce qui s’avère particulièrement raté au vu des retards, dérives des coûts, malfaçons et falsifications de ce chantier. Depuis, seuls 2 EPR sont en chantier à Taishan aux cuves défectueuses comme celle de Flamanville. EDF n’a été autorisé à racheter la branche AREVA Réacteurs que parce qu’elle a réussi à gonfler artificiellement le carnet de commandes avec les 2 réacteurs d’Hinkley Point achetés par sa propre filiale anglaise.

Désastreux du point de vue écologique

Rappelons qu’au-delà du risque d’accident aux conséquences sociales, économiques et écologiques catastrophiques, la mise en service de cet EPR pour une durée prévue de 60 ans entraînerait la production de milliers de tonnes de combustibles usagés et de déchets radioactifs qui s’ajouteraient à ceux déjà produits dont on ne sait que faire. Le fonctionnement de ce réacteur supplémentaire s’accompagnera de rejets radioactifs dans l’environnement s’ajoutant à ceux déjà existants. Il n’est pas acceptable d’imposer une telle pollution radioactive aux populations actuelles et aux générations futures!

Nous sommes venus exprimer à St-Lô, préfecture de la Manche notre grande indignation et notre colère dont cette lettre est le reflet. Plus de 5000 marcheurs sont déjà venus l’exprimer en octobre 2016 devant la centrale de Flamanville. Elles sont partagées, nous le savons, par des personnes qui ne sont pas forcément hostiles au nucléaire mais qui sont sidérées que leur sécurité puisse passer après des considérations économiques et commerciales.

Il est de votre pouvoir de mettre fin à ce scandale d’état. Nous faisons appel à votre sens des responsabilités pour que ce chantier cesse dans les plus brefs délais, avant que le combustible ne soit chargé, ce qui évitera un démantèlement de plus.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président, Madame et Messieurs les Ministres à notre attachement à la démocratie, et à notre volonté de privilégier la protection de la population et de l’environnement.

Pour le Collectif anti-nucléaire Ouest,

Anger              Chantal Cuisnier             Martial Château                 Sylvie Sauvage

Lettre St Lô president ministres prefet 30 sept 2017